HYPERREALISME et PEINTURE FIGURATIVE

 

Ci-contre: Richard Estes - "Cafeteria" (1970) part of his portfolio "Radical Realism I"

L’hyperréalisme, nommé aussi en anglais photorealism, apparaît vers 1965 aux Etats-Unis. La figuration, «plus vrai que vrai», observe le réel à travers la photographie. D’accès facile, il ne tarde pas à connaître un grand succès et à susciter des émules européens.

Donner une image aussi exacte et fidèle que possible du réel correspond dans l’histoire de la peinture américaine à une tradition à laquelle l’hyperréalisme ne fait que se soumettre. Déjà dès le début du siècle, l’Ash-can School pratique une peinture populiste réaliste et, dans les années 20, les «précisionnistes» s’attachent à traduire le nouveau contexte social, dominé par l’essor de l’industrie, en ayant progressivement recours à une photographie comme point de départ de leur travail.

 

CARACTÉRISTIQUES :

Les tableaux sont peints à l’huile ou à l’acrylique. Certains peintres utilisent la technique de l’aérographie. Ils montrent le paysage urbain, ses enseignes publicitaires lumineuses, les cafétérias et les supermarchés ainsi que les constructions techniques. En prenant la photographie pour base (diapositives et clichés projetés à l’aide d’un épiscope), ils modifient certains aspects à leur convenance (agrandissement, déformation, netteté). Les peintres choisissent des cadrages arbitraires et variés. L’exécution relève de la virtuosité froide du trompe-l’œil traditionnel et confère un aspect clinquant aux objets représentés.

 

PEINTURE FIGURATIVE

Le retour à la figuration qui se produisit dès la fin des années 1960 pour se poursuivre jusque dans les années 1970 et 1980, a englobé une multiplicité de courants dont l'hyperréalisme ne fut que l'une des tendances. Quelques peintres réalistes, les plus originaux et les plus inventifs, essayèrent de tirer les leçons du passé récent, de l'abstraction gestuelle des années 1940 et 1950.

D'autres se tournèrent à nouveau vers les grands maîtres du passé, réexaminant en particulier le réalisme exacerbé des premières oeuvres baroques, notamment celles du Caravage, et le classicisme de Poussin et de David. La figure centrale de cette nouvelle tendance est Alfred Leslie (né en 1927). Il fut d'abord connu comme peintre abstrait avant de s'aventurer dans l'art figuratif. Il entreprit des cycles narratifs dont le plus ambitieux est consacré à la mort prématurée du poète américain Frank O'Hara, écrasé par un taxi la nuit sur une plage de FireIsland. Le peintre se rendit sur les lieux pour en capter la lumière et l'atmosphère, mais s'inspira aussi de l'art du passé : Le Cycle des accidents mortels no 6 - Le Débarcadère (1975) montre le corps de la victime au moment où on l'emporte loin de l'île. La composition est reprise de La Mise au tombeau (1603-1604) du Caravage (parfois intitulée à tort Descente de croix).

 

 

 

Cette nouvelle peinture influencée par les maîtres anciens reprend souvent des éléments traditionnels, en y introduisant délibérément une disonance qui souligne l'intention de l'artiste de doter de nouvelles significations des formes et des concepts familiers. Ce contraste se sent particulièrement dans la Descente de croix (1988-1990) de Steve Hawley (né en 1950). Celle-ci évoque certains aspects de la peinture flamande du 15ème siècle, notamment la Descente de Croix de Rogier Van der Weyden (musée du Prado). Comme dans cette oeuvre, les personnages participent à l'évènement sacré sont revêtus d'habits contemporains du peintre. Cependant, Hawley introduit délibérément quelques anomalies. La scène se déroule à l'intérieur; figurent un projecteur, enveloppé de papier, et un escabeau moderne. Deux photographies au Polaroid sont fixées à l'escabeau. Il s'agit d'une prise de vue exécutée dans un studio de photographie, et donc d'une reconstruction fictive d'un événement profondément mythique. Un élément demeure à l'évidence bien réel, le cadavre du Christ, dont le front porte les marques de la couronne d'épines et dond le côté et les pieds transpercés saignent encore. Pourtant, la victime, aux cheveux gris et rasé, n'a pas la physionomie traditionnelle du Christ, représentée, en revanche, sur l'une des photographies au Polaroid. Cette peinture soulève avec une acuité extrême la question de savoir si voir équivaut à croire.

C'est de l'oeuvre de Poussin que s'inspire manifestement le peintre californien David Ligare (né en 1945) qui révèle une prédilection pour les scènes arcadiennes - comme l'atteste son Paysage avec Eros et Endymion (1989-1991). Mais ses personnages mythologiques, qui allient étrangement éléments idéalisés et triviaux, diffèrent de ceux de Poussin, chez qui le paysage et les personnages sont traités rigoureuseemnt selon la même inspiration.

ARTISTES :