GOTHIQUE

Ci-contre : Giotto

En peinture, la période gothique s’étend sur plus de deux cents ans. Elle commence en Italie pour se répandre dans le reste de l’Europe, présentant dans chacun des pays touchés des caractères stylistiques suffisamment semblables pour atteindre à une exceptionnelle unité de langage artistique.

On parle tout d’abord d’art gothique primitif. Au 13ème siècle, la peinture italienne était encore dominée par l’art byzantin appelé « style grec » en Italie. Ce n’est qu’à la fin du 13ème siècle que le style gothique fit son apparition, dans les magnifiques panneaux de Florence et de Sienne. Les œuvres des premiers maîtres gothiques reflètent une grande pureté et une grande intensité spirituelle, perpétuant ainsi la tradition byzantine. Les sujets étaient surtout religieux, et les peintures servaient souvent de livres d’images à l’intention d’une population illettrée. La peinture assimila l’influence gothique beaucoup plus lentement que l’architecture et la sculpture. La peinture gothique primitive présente un plus grand réalisme que l’art roman et l’art byzantin, montrant une fascination évidente pour la perspective et l’illusion de l’espace réel, et une élégance délicate. L’intérêt pour la narration picturale et l’expression d’une spiritualité plus intense, parfois passionnée, sont d’autres caractéristiques du gothique primitif.

 

Cimabue (1240-1302) - Duccio(1255-1319) et Giotto (1267-1337)

 

A la fin du 13ème siècle, le peintre le plus éminent de Florence était Cimabue qui, d’après la tradition florentine, aurait été le maître de Giotto. Encore engagé dans l’esthétique byzantine, Cimabue y introduit un élément d’émotion et de vie, et ouvre la voie au réalisme qui devait jouer un rôle fondamental dans la peinture occidentale.

Ci-contre : Cimabue - "Madonna avec l'enfant" détail (1278-1280), St François d'Assise

 

L’œuvre de Cimabue, en dépit des innovations qu’il inspira, présente cependant un certain manque de relief si nous le comparons à celui de Duccio, qui fut presque son contemporain. Aux 13ème et 14ème siècle, la ville de Sienne rivalisa avec Florence par la splendeur de son art. Si Giotto révolutionna l’art florentin, plus au sud, Duccio et ses disciples eurent également une grande influence, bien que sur une plus petite échelle. L’œuvre de Duccio est d’une grande puissance et apporte un réel changement de style. Ses personnages ont un certain volume, et leurs vêtements tombent en lignes fluides et sinueuses laissant deviner les formes sous-jacentes. Ci-contre : Duccio - "La Maestà" détail (1308-1311) Opera del Duomo, Firenze

 

C’est Giotto qui transforma véritablement l’art byzantin. Son approche révolutionnaire de la forme et son interprétation architecturale et réaliste de l’espace font faire un grand bond en avant à l’histoire de la peinture. L’œuvre de Giotto est unanimement considéré comme l’apogée de la peinture gothique. Pour la première fois, la peinture européenne compte une grande personnalité créatrice. L’ère des « personnalités » fut cependant celle de la Renaissance, et ce n’est pas sans raison que, pour les spécialistes, Giotto en marque le début. Figure incomparable, il est à la fois de son époque et en avance sur son temps.

A la fin du 14ème siècle naquit le style gothique international. Cette expression apparaît plus appropriée que d’autres dénominations (art courtois, art cosmopolite ou encore Weicher Stil) parce qu’elle indique mieux ce qui fut la caractéristique particulière du mouvement : non seulement sa diffusion à l’échelle européenne, mais le fait qu’il fut le résultat homogène d’échanges innombrables et ininterrompus, d’un courant d’idées communes sur la peinture d’influences réciproques, à ce point qu’aujourd’hui encore il est impossible d’établir avec certitude le lieu d’origine de certaines oeuvres.

Si le courant commence par la fusion de l’art italien et celui d’Europe du Nord, au siècle suivant de nombreux échanges eurent lieu entre l’Italie et la France, et les grands peintres voyagèrent également dans toute l’Europe. Les idées circulèrent et se mêlèrent, et le nouveau style fut bientôt représenté en France, Italie, Angleterre, Allemagne, Autriche et Bohême (actuelle république Tchèque).

Certaines œuvres gothiques montrent l’impact du grand fléau médiéval que fut la peste noire. Cette épidémie, probablement peste bubonique ou pulmonaire, dévasta l’Europe de 1347 à 1351, tuant près d’un tiers de la population. Considérée par beaucoup comme le châtiment de Dieu pour la corruption de son peuple, elle provoqua une vague d’engouement non pour la religion elle-même, mais pour des pratiques excessives telles que la flagellation, censées apporter le réconfort. De nombreux peintres montre à quel point ils ont conscience du sens et de l’aspect inéluctable de la mort.

Jan Van Eyck (vers 1390-1441)

Jan Van Eyck, plus connu à l’époque sous le nom de Jan de Bruges, avait un frère : Hubert Van Eyck, également peintre. Les frères Van Eyck travaillèrent ensemble, dans le même atelier, jusqu’en septembre 1426, date de la mort de l’aîné, Hubert, laissant ainsi Jan devenir le plus célèbre.

Jan pose un regard incisif, passionné et observateur sur le moindre détail de son environnement, non seulement dans sa réalité concrète, mais également dans la valeur qu’il y décèle. Le décor naturel de Van Eyck est tout de lumineuse clarté, il voit les objets les plus courants avec une merveilleuse acuité et un grand sens de leur réelle beauté. Tout comme Vermeer le fera au 17ème siècle, Van Eyck nous entraîne vers la lumière en nous donnant l’impression que, nous aussi, en faisons partie.

Pendant longtemps, on attribua faussement à Van Eyck la découverte de la peinture à l’huile. En fait, on s’en servait déjà pour peindre les sculptures et pour poser un glacis sur les détrempes. Le véritable titre de gloire des frères Van Eyck est la réalisation, après de nombreuses tentatives, d’un vernis stable et séchant régulièrement, à base d’huiles de lin et de noix mélangées avec des résines. La révélation eut lieu quand Jan ou Hubert mélangea de l’huile avec des pigments, au lieu du médium à l’œuf qui formait le liant de la détrempe. Il en résulta un éclat, une transparence et une intensité des couleurs remarquables, le pigment étant en suspension dans une couche d’huile qui reflétait la lumière. La détrempe, terne et sans relief, était transformée en un médium chatoyant, parfait pour représenter pierres et métaux précieux et, surtout, pour rendre l’éclat authentique de la lumière naturelle. Ce nouveau médium transparent permit à Van Eyck de restituer, avec une grande virtuosité technique, une extraordinaire qualité de vérité à la réalité, qui traduisait ses remarquables observations sur la lumière et ses effets. L’invention de cette technique transforma l’aspect de la peinture. Ci-contre : Jan Van Eyck - "Les époux Arnolfini" (1434) National Galerie, Londres

 

APOGÉE DU GOTHIQUE

Au 15ème siècle, le style gothique international se développa dans deux directions, toutes deux méritant le nom de révolutions. L’une pris naissance dans le Sud, à Florence, et fut à l’origine de la Renaissance italienne, alors que l’autre eut lieu dans le Nord, aux Pays-Bas, où la peinture subit une transformation indépendante mais tout aussi radicale, qui marqua le début de la Renaissance nordique.

 

CARACTÉRISTIQUES :

Profusion décorative, sentiments sophistiqués et alanguis, absence presque totale du réel, réduisant la peinture à une très élégante organisation de rythmes linéaires purs et de brillantes couleurs. En même temps entre dans le Gotique un souci infini du détail descriptif, qui s’exerce à la fois sur l’atmosphère, les costumes et les types humains. Ce réalisme brillant et superficiel reflète toutefois la réalité dynamique de la vie urbaine et de l’économie, dont la bourgeoisie est l’élément principal. A cette époque, les amateurs préfèrent les œuvres de petites dimensions (diptyques, petits retables portatifs, miniatures, tapisseries).

 

ARTISTES :